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Une motion contre le foie gras (motion 20.3021) a été déposée le lundi 2 mars 2020 au Conseil national par le Conseiller national Martin Haab.
Le Parlement fédéral à Berne
Qu’est-ce qu’une motion ?
La motion est une intervention parlementaires qui charge le Conseil fédéral de faire une proposition de loi (voir aussi ce lien). Pour être transmise au Conseil fédéral, elle doit avoir été adoptée par les deux Chambres fédérales (procédure d’adoption ou de rejet). Si elle est adoptée, le Conseil fédéral doit la mettre en oeuvre (procédure de mise en oeuvre).
Procédure d’adoption ou de rejet de la motion
Conseil prioritaire (première lecture)
Elle est examinée en premier par le conseil où elle a été déposée (conseil prioritaire).
Le Conseil fédéral donne ensuite son avis. Il propose d’accepter ou de rejeter la motion, en règle générale au plus tard au début de la session ordinaire suivant son dépôt.
Le Conseil prioritaire peut rejeter ou adopter la motion. Si le Conseil prioritaire rejette la motion, celle-ci est réputée liquidée ; s’il l’adopte, la motion est transmise à la commission compétente de l’autre conseil (second Conseil).
Second Conseil
La commission du second Conseil procède à l’examen préalable de la motion. Le Conseil fédéral ou la majorité de la commission peuvent proposer au second Conseil de modifier la motion.
Le second Conseil peut adopter, rejeter ou – possibilité dont ne dispose pas le Conseil prioritaire – modifier la motion.
Si le second Conseil adopte la motion sans la modifier, elle est définitivement adoptée et le mandat sur lequel elle porte est confié au Conseil fédéral.
Si le second Conseil rejette la motion, celle-ci est réputée liquidée.
Si la motion est modifiée sur proposition du Conseil fédéral ou de la majorité de la commission chargée de l’examen préalable est à nouveau transmise au conseil prioritaire.
Conseil prioritaire (deuxième lecture)
La motion modifiée est soumise à la commission compétente du Conseil prioritaire pour que celle-ci procède à l’examen préalable.
Le Conseil prioritaire peut soit approuver la modification apportée à la motion par le second Conseil, soit rejeter définitivement la motion.
Si la motion est adoptée, elle est transmise au Conseil fédéral qui doit la mettre en oeuvre, selon la procédure de mise en oeuvre.
Trajectoire simplifiée d’une motion (avec CN comme Conseil prioritaire)
Quelle est la motion de Haab ?
Le 2 mars 2020, lors de la session de printemps, Martin Haab a déposé la motion 20.3021 intitulée Interdire l'importation du foie gras.
Le texte déposé
Le Conseil fédéral est chargé de faire usage de la compétence qui lui est dévolue par l'art. 14, al. 1, de la loi sur la protection des animaux pour frapper d'interdiction l'importation du foie gras.
Le développement du texte expose les arguments suivants :
Presque tous les pays européens interdisent le gavage à cause de la souffrance occasionnée, y compris la Suisse depuis plus de 40 ans.
Le gavage est de la maltraitance animale.
Les paysans suisses sont lésés car ils n’ont pas le droit de le produire, mais le foie gras est importé.
Des sondages révèlent que la majorité des Suisses sont d’accord avec l'interdiction.
D’autres endroits ont déjà interdit le foie gras, par exemple de New York.
Il existe des alternatives.
L’interdiction est compatible avec les accords internationaux de libre-échange.
Il faut que la Suisse cesse de soutenir cette pratique à l'étranger.
Qui est Haab ?
Martin Haab, agriculteur de profession, est un Conseiller national UDC zurichois. Il siège au Conseil national depuis le 03.06.2019, et a été réélu en novembre 2019.
Il est membre de la Commission de la Science, de l'Éducation et de la Culture (CSEC), qui traite notamment des questions liées aux animaux.
Il est par ailleurs délégué de l’Union Suisse des Paysans.
Martin Haab
C’est sous l’impulsion de l’Alliance Animale Suisse, qu’il s’est vu proposer l’idée de déposer cette motion. En tant que parlementaire proche du milieu paysan, le dépôt de cette motion est logique car l’importation de ce produit est déloyal pour les paysans suisses pour qui la production de foie gras est impossible.
Alliance Animale Suisse est une coalition d’associations animalistes qui agit sur la scène politique pour faire passer des interventions parlementaires concernant les animaux. Elle décerne chaque année le prix Triple A de la protection animale à des parlementaires qui ont œuvré pour la cause animale.
Selon un sondage effectué par DemoScope pour Stop Gavage Suisse et Quatre Pattes et les chiffres des douanes suisses, on estime en première approche à au moins 40 millions de francs par an le chiffre d’affaires supplémentaire susceptible d’être récupéré par les agriculteurs suisses si le foie gras était interdit en Suisse.
Analyse
La véritable motivation d’Alliance Animale Suisse derrière ce projet de motion est de faire avancer la cause animale, notamment en faisant interdire les produits dont la production est déjà interdite en Suisse, comme c’est le cas avec le foie gras, mais aussi la fourrure et bien d’autres produits d’origine animale.
D’ailleurs, Alliance Animale Suisse est aussi à l’origine d’une motion contre la fourrure déposée en décembre 2019 par Matthias Aebischer (PS/BE) ainsi que d’une motion généraliste qui demande l’interdiction de tous les produits d’origine animale dont la production est déjà interdite en Suisse qui a aussi été déposée en décembre 2019 par Lukas Reimann (UDC/SG) et qui reprenait telle quelle la motion déposée lors de la législature précédente par Barbara Keller-Inhelder (UDC/SG).
Logo d’Alliance Animale Suisse
Comme la motion de Martin Haab concerne directement la mission de l’association Stop Gavage Suisse, nous avons pris contact avec Martin Haab dès que nous avons appris ce projet de motion et nous l’avons rencontré immédiatement après le dépôt de la motion.
Nous sommes bien entendu très heureux de cette avancée au Parlement car si la motion passe, nous aurons terminé notre mission de faire interdire le foie gras en Suisse, et il ne restera plus qu’à veiller à ce que l’application de la nouvelle loi soit respectée.
Ainsi nous allons mettre tout en oeuvre pour soutenir cette motion, notamment par un lobbying intensif auprès des parlementaires.
Le fait que Martin Haab soit de l’UDC est un grand avantage pour le succès de la motion, car, ainsi, nous sommes presque sûrs qu’elle obtiendra le soutien des parlementaires proches des paysans. Il sera plus facile aussi de convaincre des parlementaires de droite de voter pour cette motion.
Normalement, les Verts, les Vert’Libéraux et le PS devraient, au moins en Suisse alémanique, être favorables à la motion. On estime ainsi qu’elle devrait passer sans trop de difficulté au Conseil national (ici le Conseil prioritaire). La difficulté se situera très certainement au Conseil des États.
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